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Adc

« Au début était le Conte, puis s’ouvrit le Grand Livre de comptes et en sortit le Compteur ou l’Homme-aux-comptes. Depuis, le Monde porte des lunettes. »

C’est avec cette première proposition que débute L’Art de compter, texte hybride réglé comme une horloge à musique répétitive.

Entre poésie, économie et philosophie, le texte laisse la mécanique comptable sortir du sillon, exposer ses motifs, asséner sa logique, affirmer sa volonté, donner la pleine mesure de ses intensités.

Peut-on éconduire les bonnes intentions de la fiction comptable humaniste ? Peut-on échapper à la mobilisation comptable ? Peut-on habiter le monde autrement qu’économiquement ? Peut-on se permettre d’être simplement loin du Compte ?

Sans répondre directement à ces questions, L’Art de compter laisse le Compte, pris ici comme un objet quasi mythologique, se déployer, exprimer sa démesure, affirmer sa toute-puissance.

Si compter est un art et si « la science calcule plus qu’elle ne pense » (Heidegger), l’Homme, ce calculateur précoce, déchiffre autant qu’il chiffre. Mais, ne demeure-t-il pas cet Indéchiffrable veillant au cœur de toute sommation ?



Fontaine

La Fontaine de Marcel Duchamp, urinoir en porcelaine signé R.Mutt et daté 1917, a fait couler beaucoup d’encre. Considérée dès le départ comme une provocation, cette œuvre, devenue emblématique, a suscité de vives réactions, allant parfois jusqu’au vandalisme.

En suivant le déplacement symbolique et spatial opéré par la Fontaine, l’auteur propose ici une lecture décalée de cette icône iconoclaste de l’art moderne. Sans trop sacrifier à l’exercice critique du survol analytique, il cherche, tel un phénoménologue, à s’immerger dans la solution à l’œuvre, à épouser son écoulement.

Aborder cette œuvre comme on aborde un kôan dans le bouddhisme Zen, c’est-à-dire comme une énigme, c’est laisser à la Fontaine la possibilité de rafraîchir notre vision.

À l’image des nombreux aphorismes et contrepèteries de Duchamp, les ready-made apparaissent comme des objets paradoxaux chargés de semer le trouble dans notre représentation du monde.

Tel un kôan, la Fontaine déplace les lignes, suspend le jugement, nous fait entrer dans un espace ouvert et instable.